Jeff Kerléo, Artisan luthier.

Jeff Kerléo, Artisan luthier.

Réglage de la compensation ou de l'intonation.

REGLAGE DE LA COMPENSATION OU DE L’INTONATION A L’OCTAVE :

Ce réglage ne concerne que les guitares à cordes acier ayant un sillet de chevalet réglable, les guitares à cordes nylon ne sont pas du tout concernées.

L’implantation des frettes est calculée grâce à une formule mathématique (racine 12ième de ½) soit un coefficient de 0,943874312681693. On choisit un diapason de cordes à vide, soit par exemple, 647mm, que l’on multiplie par le coefficient 0,943874312681693 et l’on obtient une côte de 610,69 qui est la distance d’un nouveau diapason donnant une note supérieur d’1/2 ton. On prend ce nouveau diapason de 610,69 et on le multiplie à nouveau par 0,943874312681693 et l’obtient une côte de 576,41 qui est distance d’un nouveau diapason donnant encore une fois, une note supérieur d’1/2 ton. On recommence ainsi jusqu’à la fin de la touche… On s’aperçoit au passage qu’à la douzième opération on obtient un chiffre qui est exactement la moitié du diapason initial, soit 323,50mm ? Étonnant non ? Vous pouvez essayer autant de fois que vous le voulez et avec n’importe quel diapason de départ, ça marche à tous les coups ! Il était fort ce Pythagore !

Voilà, nous avons donc une implantation des frettes calculée. Cette implantation est dite « idéale » ou « de calcul » car elle donne des écarts de frettes augmentant d’un demi ton d’une manière rigoureuse et très précise, mais ne tenant pas compte des matériaux utilisés pour restituer cette progression de demis tons. Si l’on prend des cordes nylon, leur élasticité est telle qu’elles sont très peu sensibles à la modification de tension sous l’effet de leur pression sur la touche. Ce qui fait que la note obtenue à l’octave est quasiment juste et n’a pas besoin d’être compensée. Encore que, si la guitare à une action de plus de 1cm à l’octave, il commence a y avoir un léger surplus de tension décelable à l’accordeur, de l’ordre de 6 à 7 % de plus que la note attendue. Mais si on prend des cordes en acier, là, c’est une autre histoire.

Quand je dis à mes clients qui viennent parce qu’ils trouvent que leur guitare est fausse, je leur réponds : « Toutes les guitares à cordes acier sont fausses et ça n’a rien à voir avec la qualité de l’instrument, c’est intrinsèquement lié aux propriétés mécaniques des cordes : soit le module d’élasticité de l’acier (module de YOUNG).  « 

Quelque soit la qualité des aciers alliés (chrome, argent, nickel… je parle de la corde sans son filetage), chaque matériaux à un module de Young qui lui est propre. C’est ce module, associé au diamètre de la corde qui permet de classer les cordes par tirants. La corde est donc soumise à une tension donnée par les mécaniques sur un diapason donné et à une tension donnée correspond une note. Pour la même note, la tension peut donc être plus ou moins importante, suivant le module de Young , diamètre de corde et longueur du diapason. La tension sera d’autant plus grande que le diapason sera long et que le couple module de Yong/diamètre de corde seront importants.

On considère donc une corde ainsi tendue par la mécanique entre le sillet de tête et le sillet de chevalet, la tension qui lui est appliquée correspond à une note Mi. C’est ce que l’on appelle la note à vide. En principe, à la douzième case, on doit obtenir aussi un Mi, c’est l’octave. Sauf, que, en pressant sur la corde à la douzième case, vous infliger à la corde une tension supplémentaire et donc vous modifier son accordage par rapport au diapason de l’octave. La note sera d’autant plus élevée que l’action de la corde sera haute et que vous appuyez plus fort sur la touche. Comme votre note est trop haute, il faudrait donc trouver un moyen pour la faire baisser. Or, le seul moyen qu’on ai trouvé jusqu’ici pour baisser une note sans toucher à sa tension, c’est de rallonger le diapason ! Et cela s’appelle la compensation.

Sur les guitares électriques et certaines guitares acoustiques à chevalet flottant, on peut retoucher la longueur du diapason en déplaçant les pontets ou le chevalet d’avant en arrière. Cela influe directement sur la justesse de l’instrument. C’est  ce que l’on appelle le réglage de l’intonation par la compensation du diapason.

Ce réglage se fait une fois l’instrument réglé, cordes accordées à vide et neuve (si possible). Vous avez certainement compris que l’action des cordes entrait dans le processus, il est donc important, avant d’attaquer le réglage de la compensation que vous ayez une action la plus basse possible. Plus l’action sera basse et moins on aura à donner de compensation et plus l’instrument sera juste. Car en effet, quand on donne une longueur de diapason supplémentaire pour obtenir plus de justesse à l’octave, on s’éloigne d’autant du diapason « idéal » ou « de calcul », ce qui a pour incidence de rendre la guitare fausse sur les notes du haut de la touche : surtout sur la corde Mi et La.

 Vous avez certainement remarqué que les sillets des guitares folks sont toujours inclinés donnant un diapason toujours plus long sur les basses que sur les aigus. Il s’agit là d’une compensation moyenne donnée par le plan et qui est proportionnel à la longueur du diapason, mais ne tient pas compte du tirant de corde ni d’un réglage optimum de l’action. On peut difficilement agir à postériori sur cette implantation du sillet sur le chevalet, sauf à reboucher la rainure du sillet avec le même bois et refaire une autre rainure mieux adapter. Par contre les guitares manouches ou harchtops, ont un chevalet flottant, on peut donc le déplacer et donner une compensation bien adaptée. Quant aux guitares électriques, c’est celles qui sont le mieux pourvues en moyens de réglage action et compensation, présentant bien souvent des pontes individuels que l’on peut régler d’avant en arrière et de haut en bas.

Si vous avez bien suivit tout ce baratin, tordu et détordu, vous pouvez maintenant essayer de régler vous-même votre guitares.

QUELQUES CONSEILS :

-          Quand vous agissez sur le truss-rod, vous devez impérativement utiliser une règle échancrée pour vérifier si votre action a une influence et faire en sorte de ne pas dépasser les limites technique du montage manche/truss-rod. Une force non maîtrisée sur un truss-rod peut amener la rupture du manche au droit de la première case (c’est très fréquents !)

-          Quand vous limer votre sillet de tête, l’instrument doit être accordé, le limage se fait en sortant uniquement une corde de sa gorge et si possible sans la désaccorder. Respecter le mieux possible les largeurs de gorges pour éviter l’effet cliquet.

-          Quand vous régler les hauteurs de sillet de chevalets ou pontet, n’oublier pas de respecter le radius de la touche.

-          Pour l’intonation, la règle est simple : si la note est plus haute à la 12ième case, on recule le pontet, si la note est plus basse, on l’avance. Attention avec des cordes très vieille, le fluage qui lui a été infligé dans le temps modifie son module de Young et l’intonation baisse sérieusement à la 12ième, on n’arrive même plus à compenser.

-          Soyez indulgent avec votre guitare, ce n’est pas un instrument juste de conception. On peut moduler la compensation des cordes Mi et La pour être un peu faut à l’octave et être plus juste de la première à la 5ième.

-          La note la plus fausse d’une guitare est toujours le Fa de la corde Mi grave et cela provient de la hauteur de corde au sillet de tête. On peut essayer de descendre en dessous de 1,4, mais c’est risqué, ça peut friser à vide (suivant l’arc-boutement du manche).

Bref, le réglage parfait n’existe pas ! Le seul réglage valable est celui qui satisfait le guitariste… A méditer !



20/06/2012
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